cours n°25 Médecine Paléolithique:les eaux, les sources

Les eaux, les sources

L’homme primitif vénérait de nombreuses sources ou fontaines; elles étaient des points sacralisés, en relation directe avec les forces telluriques. Elles en étaient en quelque sorte une expression, une production palpable, une source étant « l’œil du dieu de la terre ».
Ceci était d’autant plus vrai en Ardèche qu’il existe de nombreuses sources chaudes, gazeuses, intermittentes qui devaient poser pas mal d’interrogations aux premiers hommes du lieu.
Les Gaulois plaçaient ces eaux sous le Vocable de différents dieux et déesses: Bellonis, Divonna, Borbo. On retrouve ces noms dans l’appellation de nombreuses fontaines du pays.
Venant de Borbo ou Borvo: Barbeyrol, Bourboulier, Bourbouillet, Bourbon, Barboton, Barbozan, Bourboule, Barbus, Barbon, Barbonnet, Barbeyrac, Barbes, Barbeyro.
Venant de Bellonis: Font de Bullien, Belio-Font, Boulogne, Beaulieu (en patois Benlio), Fontbelle, Fonbellon.
Venant de Divonna: Divol, Divonne.
Les Romains ont laissé leur empreinte avec leurs dieux Mercure (et Hermès), Mithra.
Le christianisme a remplacé tous ces dieux par des saints, la plus belle illustration étant rapportée par Charrié (1964). « Vers Saint-Etienne-de-Fontbellon, il y avait une fontaine où les Helviens venaient célébrer le culte de Belio (ou Belen ou Bellonis).
Pour implanter le christianisme, une église fut construite à proximité sous le nom de Saint-Etienne ».
Ceci a donné le nom composé du village de Saint-Etienne-de-Fontbellon comportant les trois termes: Fontaine, Bellonis, Saint-Etienne.
On retrouve des preuves de cette superposition des cultes successifs aux sources de façon palpable, inscrite dans le roc, quand des empreintes néolithiques sont intégrées à des édifices chrétiens qui eux-mêmes laissent apparaitre les traces d’un monument gallo-romain antérieur. Ces sites devaient être classés monuments historiques et protégés jalousement par les communes.
Souvent ce n’est pas ce qui se passe. Plusieurs de ces sources sacrées sont taries à cause des travaux des hommes, telles des carrières de pierre placées en amont de leur point de résurgence; certaines ont même été complétement anéanties.
Il faut se souvenir que l’été, certaines d’entre elles ne coulent pas à cause de la sécheresse.
Ces sources sont très spécialisées et dans leur ensemble couvrent à peu près toutes les maladies humaines. Les eaux minérales quoique très populaires, ont été laissées de côté, elles font partie intégrante de la thérapeutique officielle, telles celles des bassins de Vals-les-Bains, Saint-Laurent-les-Bains, Neyrac-les-Bains, etc…

Les eaux contre la lèpre

Fontaine Saint-Lazare à Neyrac

Il y a plusieurs sources à Neyrac. Elles sont connues depuis la plus haute antiquité.
On a retrouvé d’importants vestiges gallo-romains et moyenâgeux.
Elles ont toujours eu la réputation de traiter les maladies de la peau. En particulier la source Saint-Lazare (dite des lépreux ou des croisés) était réputée pour soigner la lèpre.
A proximité se trouve le banc des ladres. Elle s’employait en boissons, en applications locales, en bains. Mazon (1878) nous dit que les habitants du voisinage en faisaient des provisions l’hiver au moment des hautes eaux. Actuellement l’accés à cette source est interdit, les vapeurs qu’elle dégage présentant un danger mortel comme l’indique une pancarte.

La fontaine de Tourne à Bourg-Saint-Andéol

C’est un ensemble remarquable. Il s’agit de deux grands bassins naturels au pied d’une falaise rocheuse, dont l’un s’enfonce dans une grande grotte.
Ils sont distants d’environ 20 à 30 mètres, ils communiquent souterrainement et se rejoignent dans une marmite naturelle qui aurait 100 mètres de profondeur.
Entre ces deux bassins, sculpté sur la falaise qui les domine, un bas-relief d’environ deux mètres carrés représente le dieu Mithra sacrifiant un taureau dont le sang féconde la nature…
Quand on se trouve dans ce site l’on comprend qu’il ait été sacralisé.
Cette fontaine était réputée guérir la lèpre. Ses eaux jouissaient d’une vertu surnaturelle d’autant plus grande qu’elles avaient longtemps servi à baptiser les adeptes de Mithra;
Mais surtout cette fontaine permettait  de détecter les lépreux.
Au moyennage quand un individu était suspect de ladrerie l’on pratiquait l’examen de dépistage suivant. « L’homme qu’on soupçonnait atteint était conduit sur le bord de la fontaine. Là on le saignait: le sang était reçu dans un vase qu’on enveloppait dans un sac, et le tout était plongé dans les eaux. Deux barbiers de la ville, mandés par les consuls, étaient chargés de faire la vérification. S’ils ne reconnaissaient aucune marque de corruption, c’est à dire, si dans le vase immergé , le sang du prétendu ladre était, au sorti de l’eau, trouvé liquide et vermeil, le juge déclarait que l’homme n’était point ladre. Une épreuve de ce genre eu lieu, le 3 juin 1422. Rien n’est plus authentique que ces détails puisqu’ils sont tirés des minutes de Me Guigues Ribbon, notaire de la cour épiscopale, en l’année 1422 à Bourg-Saint-Andéol. »(Rouchier 1861).
Notre confrère, Monsieur Chalvin, pharmacien à Bourg-Saint-Andéol, nous fait remarquer que cet examen biologique est certainement l’un des plus anciens connus en France.
Sur quoi repose t-il? Le sang des lépreux est-il modifié par rapport à celui des individus sains? Cela serait à vérifier et pourrait peut-être justifier l’usage d’un tel examen?
Cet examen nécessitait un prélèvement sanguin dont on ignore le mode de réalisation.
Etait-il très « sanglant »? Il faut remarquer qu’il se déroulait à un emplacement où avait coulé le sang de nombreux taureaux sacrifiés à Mithra.
Du baptême on est passé aux bains thérapeutiques et du sacrifice des taureaux au prélèvement sanguin…